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La réconciliation

Publié le par Philippe Latger

Les pieds joints. Il s'agit de vriller le torse. Les jambes ne bougeront pas.
Comme au passage du taureau. Seul le buste doit pivoter. Ne pas bouger. Ne pas reculer.
Il n'y a pas de capes. Mais l'homme campe sur ses positions. Avec une détermination fiévreuse.
Sur des talons hauts, les bottines ne sont pas les ballerines du torero.
La culture équestre n'est pas loin. L'Argentine et le Mexique non plus.
Sans éperons. L'homme aux pieds joints et au torse vrillé ouvre ses bras sur quelque chose.
Les bottes à talons hauts finissent une silhouette. Se fondent aux jambes et au pantalon.
Viriles. Elles sont les sabots de cet homme à la fois torero et taureau. Cheval et gaucho.
Les bras en croix, les poignets s'enroulent sur eux-mêmes. Préparent le terrain.
Une curieuse gymnastique. Des étirements. Un visage grave. Du calme avant la tempête.
Le corps semble ramasser tous ses muscles, toute ses énergies, ratisse large. Concentré.
Et puis... ça éclate.
Sur le bois. Un talon qui claque. Et puis un autre.
Deux coups de fouet. Deux coups de feu. Avant de sulfater à la mitrailleuse.
Les pieds joints. Les jambes ne bougeront pas. Les muscles tendus. Sourcils froncés.
L'animal fulmine. Dans son galop immobile. 
Durga déploie ses paires de bras, en divinité hindoue, sur le tapage enivrant du zapateo.
Manie des capes et des banderilles imaginaires, des éventails et des poignards.
L'homme décharge l'énergie. La rend au sol. A la terre. La laisse le quitter.
Il parle aux vivants. Il parle aux morts. Il parle au monde et à l'éternité.
Il se fond à la lumière. A l'obscurité. Au futur et au passé. Il se fond à l'air. Et la musique.
Les talons crépitent. Il disparaît. Devient autre chose que lui. Plus grand que lui.
A mesure que ses forces le quittent. Déterminé à tout donner. Ne rien garder.
L'éruption volcanique se tait. En un mouvement de la main. Tout se fige.
Suspendu. A ses lèvres charnues. Erotiques. Il respire. Il comprend.
La mort n'est pas vaincue. Mieux que ça.
Elle n'est plus son ennemie.

 

Philippe Latger

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